Oleo est en mer entre les Bahamas et la Floride. Les filles lèchent le fond du plat pendant que je mets à cuire le gâteau au chocolat. C’est l’anniversaire de Charlie, 3 ans aujourd’hui !
En prévision de l’arrivée sur la côte américaine, on termine les produits frais du bord. Il semble, en effet, qu’entrer aux US avec des pommes et des carottes soit un crime capital. On cuisine donc des galettes de blé noir garnies d’oignons et d’oeufs, un gâteau aux pommes et à la menthe (ça peut sembler étonnant, mais c’est délicieux), des ti-punch aux citrons verts fraîchement pressés.
On s’occupe comme on peut car Oleo se traîne. Après un départ sur les chapeaux de roues à 6 noeuds, 2 ris dans la GV et dans le génois, le vent est tombé. 20 heures de moteur pour rallier West Palm Beach en Floride.
Enfin, la côte américaine se dessine sous nos yeux. Des grattes-ciel à perte de vue… Des bateaux dans tous les sens, un trafic sur les flots digne du périph’ parisien. Autour de Peanut Island passent des barges, des cargos, des paquebots, des bateaux de pêche, des voiliers, des yachts. D’un côté, les berges sont encombrées d’immeubles et d’installations portuaires. De l’autre, ce sont de superbes maisons de plus de 20 pièces posées là, chacune sur une belle pelouse tondue ras, le drapeau américain flottant devant. Leur ponton privé sur le canal auquel est amarré ici un bateau à moteur, là un voilier, ou encore un yacht de 15 mètres.
On redoute un peu les formalités d’entrée, les américains ayant mauvaise réputation quant à leur accueil des étrangers. On a pourtant déjà un visa, fait à Paris avant le départ et fort onéreux.
Pour commencer, on appelle la douane. Parler en anglais au téléphone est une épreuve, mais je comprends qu’il nous faut aller à la marina puis dans leurs bureaux. Une fois au ponton, le capitaine se rend à la douane pendant que je garde les petites. Il parait que lui seul a le droit de débarquer tant que les formalités ne sont pas accomplies. Mais il nous manque ‘le numéro’, celui qui nous permettra de faire les papiers et qu’on n’obtient qu’au téléphone.
Au bout de 5 ou 6 essais, je note enfin sous la dictée le fameux sésame. Guillaume retourne à la douane. En fait, il faut présenter toute la petite famille. On refait le chemin tous ensemble, heureusement, ce n’est pas trop loin. Après quelques formulaires, le tour est joué, on repart avec notre cruising licence valable un an.
L’après-midi touche à sa fin, Oleo restera à la marina pour la nuit. Le lendemain, une bonne surprise nous attend. Un voilier français, Vitavi, vient s’amarrer à côté de nous. Il en sort 6 personnes dont 4 enfants. On fait rapidement connaissance. Pendant qu’ils accomplissent les formalités requises, nous préparons notre départ. Il faut se débarrasser des poubelles, faire le plein d’eau, dessaler le bateau et surtout, profiter des douches !
Après le café avec nos voisins, on décide d’y aller. Le moteur tousse, mais ne démarre pas. Au bout de plusieurs tentatives, il faut se rendre à l’évidence, nous avons un problème. Pendant que Guillaume s’échine à dépanner Oleo, je profite de l’hospitalité de Vitavi avec les filles. Quelques heures plus tard, le doux bruit du moteur qui crachote retentit, on peut partir. Vitavi quitte la marina en même temps que nous, on se met à couple au mouillage pour passer une excellente soirée ensemble.
A l’aube, alors que nos voisins s’en vont tranquillement, on saute de nos couchettes les yeux embrumés de sommeil. Le réveil n’a pas sonné ! L’ancre relevée, on savoure malgré tout ces heures magiques, quand les petites dorment encore. Le soleil commence à peine à monter dans le ciel. La lumière est parfaite. Elle rend le monde tout doux. On sirote un café dehors dans le silence et la paix.
Oleo se dirige vers Fort Pierce, d’abord à la voile, puis rapidement au moteur. Le vent nous manque. Alors qu’il ne nous reste que quelques milles à faire, un beau grain bien noir s’amasse devant nous. Au radar, l’orage se dessine nettement, menaçant. On ne peut l’éviter. Au moins, il apporte avec lui du vent pour avancer.
Quand Oleo arrive dans la tourmente, des trombe d’eau s’abattent sur le bateau. Du jour nous entrons dans la nuit. L’air s’illumine soudain d’éclairs blancs dans tous les sens. Guillaume éteint les instruments. Le tonnerre gronde et claque près d’Oleo. Avec les petites, on admire les flashs de lumière par le hublot de la couchette avant. De temps en temps, on sursaute quand la foudre s’abat près de nous.
Une heure plus tard, le bateau émerge du grain sans dommage. L’entrée de Fort Pierce est devant nous, on se dépêche de s’y abriter. Le lacis de canaux ressemble à un labyrinthe, on ne sait quel méandre emprunter pour trouver un mouillage. Heureusement, on aperçoit trois voiliers à l’ancre devant un pont qu’on rejoint rapidement.
L’un de nos voisins est un voilier en acier français, Ariane. Après une bonne nuit de sommeil, on va le saluer. Myriam et Yves naviguent depuis plusieurs années. Ils s’apprêtent à sortir leur bateau de l’eau pour quelques mois, on repart donc les bras chargés de boites de conserves, de légumes et de filets de la dorade d’1,60m qu’ils ont pêché avant d’arriver. Merci beaucoup, ça tombe à pic, nos réserves sont au plus bas.
L’après-midi, nos sympathiques et généreux voisins nous emmènent en voiture jusqu’au supermarché, puis au magasin d’accastillage. Les filles les adoptent tout de suite. Charlie, assise dans le caddie, admire avec Yves les homards du vivarium et goûte le basilic. Axelle, si réservée d’habitude, fait même des sourires et des regards coquins.
Le vent souffle fort ces jours-ci. Le retour vers Oleo en annexe, vent contre courant, nous trempe de la tête aux pieds. L’eau est marron foncé, il flotte une odeur d’humus en décomposition. Plus de baignade. Subrepticement, notre climat rejoint celui de métropole. Nous quittons le bel été tropical, comme vous l’hiver, pour rejoindre le printemps. Nous rajoutons quelques pelures sur nos épaules tandis que vous enlevez les vôtres ! Bientôt, les tendances s’inverseront, vous serez en été et nous rejoindrons, si tout va bien, les glaces du nord.
Myriam et Yves dînent sur Oleo ce soir. J’ai préparé un risotto au chorizo, lentilles, olives et tomates, en dessert un gâteau aux pommes, gingembre et coco. On ne sait faire à bord que deux sortes de gâteau, celui au chocolat et celui aux pommes. Mais chaque fois, on est surpris du résultat (toujours en bien, naturellement ;-).
Guillaume scrute la météo. Nous avons le choix de monter par les canaux de l’ICW (intracoastal waterway), ou par l’océan. Par les premiers il faut du gazoil et du temps, par le second du bon vent et un bon estomac. Pour le moment, nous n’avons ni temps, ni vent…
4 réponses sur « L’arrivée aux USA, le choc des cultures »
Cela fait drôle de vous voir aux usa après toutes ces îles paradisiaques…!
Merci pour tous ces détails sur votre arrivée, et les photos toujours très appréciées.
Gros bisous affectueux à vous 4
Et oui, après l’hiver où on vivait en maillot de bain, on sort les doudounes et les couettes pour le printemps et l’été. Bises à vous tous depuis l’autre côté de l’Atlantique !
Bonjour à toute la famille.
En effet le contraste est étonnant. Pardon si je suis resté assez silencieux depuis pas mal de billets. En tout cas, sachez que c’est avec intérêt et fascination que votre voyage est suivit.
C’est super que vous postiez comme ça régulièrement. Ça fait plaisir de vous suivre.
Les filles changent, petit à petit ! Joyeux anniversaire à Charlie.
Grosses bises vous quatre !
Bonjour Eric et merci pour ton commentaire. J’ai cru voir que tu reprenais un peu le parapente ! Oui les filles grandissent et s’affirment, elles sont un peu sauvages à force d’être dans notre voilier mais heureusement il y a quelques copains et copines de temps en temps. C’est fabuleux de découvrir les USA, on est tout ébahis ! Amitiés et à très bientôt !