Catégories
Articles d'Anso Atlantique 2015 Voyages

Coup de vent en vue

Mercredi soir, les enfants dorment, devant la table à carte, nous scrutons les gribs, ces cartes météo qui indiquent notamment le sens et la force du vent. Inlassablement, nous faisons défiler les fichiers des heures et des journées à venir. Le vent se lève et pas qu’un peu. Samedi, dimanche, lundi souffleront méchamment, peut-être même vendredi si le temps se décale. Nous n’avons qu’une journée pour trouver un abri sûr.

555-IMG_3953

Pourtant aujourd’hui, la musique du camion de glace retentissait sur la plage, les scooters des mers tournoyaient autour du bateau et les éclats de rire des ados plongeant de la jetée résonnaient dans la baie.

555-20150701_154158

Jeudi matin, c’est le calme avant la tempête, quelques noeuds de nord qui tourne sud-ouest. Nous partons vers Tory Island pour une courte escale dans cette petite île habitée par une communauté de pêcheurs.

555-20150702_121402

Le port est fait pour les chaluts et non les voiliers de passage. Nous sommes les seuls plaisanciers amarrés au pier. Arrivé à marée basse, Oleo est loin en-dessous du quai et le vent nous en éloigne. Atteindre l’escalier glissant d’algues gluantes requiert une gymnastique d’équilibriste.

555-20150702_120340

A terre, nous tentons de nous débarrasser de nos poubelles car les couches sales se multiplient comme par miracle, mais pas les couches propres… En Irlande, jeter ses ordures est une gageure. Le traitement des déchets est payant, l’Irlandais dépose son container devant sa maison au moment du passage du ramasseur et le rentre immédiatement après. La technique consiste donc à répartir nos déchets dans plein de petits sacs pour les glisser dans les poubelles publiques (qui ont de toutes petites ouvertures, bien sûr). Se balader avec un cabas plein d’ordures et les semer comme le petit poucet, c’est la french touch !

555-20150702_144500

Nous déjeunons à l’hôtel du port dans une atmosphère feutrée, un oeil attiré par la télé qui débite des infos catastrophistes suivies d’un soap larmoyant. A notre retour sur le quai, surprise ! Un chalut de plusieurs dizaines de tonnes est à couple d’Oleo, ou plus exactement à couple d’un canot amarré à Oleo. Impossible de partir, nous sommes coincés. Les pêcheurs nous disent, dans un mélange d’anglais et de gaélique, qu’ils reviendront plus tard. Quand ? Mystère, notre anglais n’est déjà pas fameux, mais notre gaélique laisse franchement à désirer.

555-IMG_3950

En attendant, nous reprenons la météo. Le vent va forcir plus tôt que prévu, dès demain il soufflera plus de trente noeuds dans les haubans. Nous devons vraiment partir. L’idée est de descendre plus au sud, nous réfugier dans un havre enfoncé dans les terres, bien à l’abri et à proximité d’un village pour capter un wifi. Cela signifie passer la nuit en mer et nous ne sommes pas prêts.

555-20150702_213031

Les gars reviennent, il est 17 heures. Ils manoeuvrent le chalut pour nous laisser partir. Le voyage commence à peine et déjà Charlie montre des signes de malaise. Rien n’est prêt pour passer la nuit en mer. La vaisselle est dans l’évier, la trinquette, voile de gros temps, n’est pas installée, du linge sale traîne dans un seau et le comble : nous venons de pêcher deux maquereaux pour le dîner qu’il faut vider et cuire au barbecue.

555-20150702_213711

C’est dit, nous passerons la nuit à Gola Island, tout près, puis nous nous réfugierons vendredi matin, avant le vent, dans une baie abritée au bon fond de sable, Mullaghberg.

555-IMG_3967

La nuit est bonne à Gola et le mouillage confortable. Le soleil nous réveille à la fraîche. Guillaume se lève, prend la météo et vérifie les cartes pendant que je somnole encore. La journée est belle, l’éolienne tourne en cadence, le vent souffle un air du sud, doux et poisseux.

555-20150703_182917

Nous quittons l’île pour rallier notre abri quelques encablures plus loin. Oleo file entre les cailloux par six à huit mètres de fond. L’ancre plonge dans 5 mètres d’eau claire devant une magnifique plage de sable rosé. L’éolienne s’emballe par moment, des bourrasques fouettent le bateau. Dans le ciel, le soleil resplendit et la température grimpe à 25°. Nous en profitons pour nous doucher dehors à l’eau douce chauffée par le moteur. Le temps passe dans une agréable torpeur, tantôt à jouer dehors, tantôt à se reposer sur les couchettes.

555-20150703_182905

Toute la journée, le vent monte, se plaint, gémit à la surface de l’eau puis se calme et reprend. Oleo va et vient au bout de son ancre. Guillaume prépare un mouillage d’appoint en cas de problème et programme une alarme si le bateau dérape.

555-20150703_194949

Et pendant tout ce temps le soleil brille dans un ciel outrageusement bleu. Ti’punch à la main, lunettes de soleil sur le nez, nous attendons venir le coup de vent. Le soir tombe enfin. Une radio diffuse une complainte irlandaise aux accents plaintifs du biniou. Nous nous préparons à dormir d’un oeil. Guillaume fait des allers-retours entre l’extérieur et le lit.

Entre 3 et 6 heures, le vent s’intensifie. Oleo tremble au bout de sa chaîne, tout le bateau vibre sous les bourrasques. Quelques vagues de travers heurtent la coque avec fracas. L’air siffle de toute part dans la nuit blanche. Impossible de dormir avec tout ce raffut. De temps à autre, une alarme se déclenche mais l’ancre tient le coup.

Au petit matin, l’intensité du vent diminue un peu, l’éolienne tourne à plein régime mais le bruit strident dans les haubans s’amenuise. Nous nous endormons jusqu’à ce qu’une petite voix s’élève dans le bateau :  » maman ? maman ? ».

5 réponses sur « Coup de vent en vue »

Oui, cette application est en cours de développement, elle permettra de transférer rapidement notre position par téléphone satellite quand on fera de longues navigations. Content de savoir que cette première mouture vous plaise.

Salut les Oléonautes !
Dommage pour Tory, la meilleure place était à l’opposé de votre amarrage, dans l’angle formé par le retour de jetée. J’y ai subi un fort coup de vent avec une grande sérénité.
Gola, pour moi est l’île la plus belle île du Donegal avec son étang intérieur.
Maintenant, c’est Aranmore. C’est à voir absolument avec les fortification du Dun Aegus. Mais, ça reste trop aménagé touristiquement à mon goût.
Bonne redescente de l’Irlande et bisous à vous quatre.

Salut Régis. Pour Tory, le pêcheur du coin nous a dit exactement la même chose, m’assurant que même avec du SO on est à l’abri, cependant cette place était prise lors de notre arrivée. Gola est très belle, la zone est d’ailleurs magique avec ces îles verdoyantes un peu partout. Je ne sais pas si c’était le cas avant mais il y a pas mal de maisons modernes qui se dressent autour des ruines et d’annexes rapides qui font le trajet depuis le pier de Gola vers Dunbeg. Aranmore, très touristique mais on y est très bien, le HM nous a autorisés à être sur le nouveau pier très bien protégé, c’est parfait pour les enfants. On prévoit de faire le tour de l’île et de passer sous les falaises à la voile, ensuite cap au Sud ! Un programme de nav pour cet été de ton côté ? Bon vent et à bientôt.

Bravo Charlie pour les très belles peintures qui sèchent sur le fil !
Gros bisous de mamie et de tata Geneviève et aussi de grand’mamie ton arrière grand-mère .

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.