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Articles d'Anso Atlantique 2015 Voyages

Ohé, ohé, matelot

Des îles vierges aux Bahamas, nous voici repartis pour une longue navigation. 5 ou 6 jours, ce n’est rien comparé à la transat’ me direz-vous. Oui, mais tout de même.

Je l’admets bien volontiers, je ne raffole pas des étapes de plus d’une journée. Mais enfin, il faut en passer par là de temps à autre. Depuis notre départ, il y a bientôt 9 mois, Oleo a parcouru 7.500 milles, soit environ 14.000 km, des heures à vagabonder sur les flots.

Au début, une étape de 48h était une épreuve. A l’arrivée, le bateau ressemblait à un champ de bataille, la vaisselle sale encombrait l’évier, les jeux des enfants traînaient dans les coins les plus inattendus. Nous, nous étions à genoux d’épuisement. Il fallait bien 2 ou 3 jours à l’équipage pour s’en remettre.

Aujourd’hui, la situation a changé. Nous avons pris nos marques et un peu d’expérience. Je ne saute pourtant pas de joie lorsqu’une longue étape nous attend. La veille d’un départ, c’est le branle bas de combat. On commence par tout ranger, tout caler, laver, que ce soit sur le pont ou à l’intérieur. On dispose des bouteilles d’eau accessibles, on sort les raviolis des coffres en cas de difficultés à cuisiner, on apprête la couchette de quart. Guillaume prépare la route avec soin. Il faut compter au moins 3 heures de préparation.

Puis vient le moment de remonter l’ancre. L’équipage se met alors en mode « survie ». On réduit la vie de bord au maximum, on s’économise. A tour de rôle, on veille et on se repose. Les petites ne jouent pas franc jeu. Enfin, Charlie un peu car elle est souvent patraque aux premières vagues. Toutefois, ce n’est pas elle qu’on a le plus de mal à canaliser.

Voulez-vous connaître la vie trépidante d’Oleo en mer ?

Le matin, vers 7h, les petites se manifestent. Charlie s’assoit au bord de sa couchette et risque un oeil. Timidement, elle demande son biberon de chocolat. Si on ne se lève pas dans les deux minutes, le volume sonore augmente par pallier. En général, je me lève rapidement pour éviter un réveil d’Axelle, mais inévitablement celle-ci fait apparaître son petit minois au-dessus de son rideau. On voit juste ses yeux et ses petites mains agrippées pour ne pas tomber. Elle observe en silence. ça ne dure pas, si personne ne vient la libérer, mademoiselle se fait entendre. Guillaume, qui a veillé la nuit, part se reposer pendant que je sers les biberons et mon café.

A 7h30, j’entreprends la vaisselle de la veille pendant que les filles regardent des livres sur le canapé. Je ne compte plus le nombre de revues que j’ai du scotcher et rafistoler après la séance ‘lecture’. La vaisselle est notre bête noire. Personne ne veut la faire. Vivement que les petites soient plus grandes qu’on puisse les exploiter. Pour le moment c’est moi qui m’y colle, mais seulement une fois par jour. Je ne peux pas me plaindre puisque Guillaume se charge des veilles de nuit de bonne grâce. Il a intérêt car lorsque je ne dors pas, je suis imbuvable.

A 8h, Guillaume règle les voiles, je lui donne un coup de main quand la voile est tangonnée. Le temps est calme. On avance tranquillement à 4,5 noeuds par vent arrière. On s’octroie 5 minutes rien que pour nous deux dehors pendant que les petites jouent au pied de la descente. Puis, il retourne se reposer et je propose une activité dessin et gommettes pour les petites. Axelle tente de manger son feutre, les gommettes finissent dans ses cheveux (si, si, elle en a quelques un). Charlie griffonne un peu mais préfère découper des morceaux de scotch.

A 9h, on sort des playmobiles, des peluches, une dinette dans la couchette avant, je prends un livre et m’installe à côté d’elles. Guillaume est devant l’ordinateur. Il télécharge la météo grâce au téléphone satellite et envoie notre position sur la carte de notre blog.

A 11h30, les petites s’agitent de plus en plus. Je réchauffe un petit pot. Une cuillère pour Charlie, une pour Axelle et ainsi de suite, c’est la seule façon de faire manger la benjamine. Pendant que je prépare le repas, Guillaume improvise une tyrolienne pour doudou au grand bonheur des enfants.

A midi, on mange des pâtes aux pois chiche sautées à la poêle avec un jambon en boite puis quelques abricots secs et des noix. Charlie regarde son bol avec suspicion mais finit par manger ce qu’il y a dedans. Axelle boit son biberon et pioche dans nos assiettes.

C’est l’heure de la sieste. Les petites vont au lit sans histoire, Guillaume bouquine sur la couchette de quart et moi dehors. De temps à autre, je jette un oeil à l’horizon. Tout est silencieux dans le bateau, je me laisse bercer par la quiétude du moment, les yeux perdus dans l’immensité.

A 14h, Charlie émerge rapidement suivie par Axelle. On remplit des seaux d’eau de mer pour que les petites jouent dans le cockpit. Charlie mouille ses cheveux pendant qu’Axelle éclabousse partout avec un râteau.

A 15h30, Guillaume s’occupe des petites dans la couchette avant. C’est l’heure des biberons du goûter. Lait pour Axelle, sirop de menthe pour Charlie. Je reste dehors à écrire un peu et rêvasser beaucoup.

A 16h30, Guillaume et Charlie sortent prendre l’air dehors avec un paquet de bonbons tandis que je vais faire des chatouilles à Axelle dans la couchette avant.

A 17h30, Charlie va se reposer dans sa couchette. Guillaume s’occupe d’Axelle et moi je bouquine dehors. Ma liseuse électronique a rendu l’âme après 152 livres lus. J’use maintenant celle de Guillaume qui n’avait que 12 livres au compteur. Nous avons des milliers de bouquins en stock, mais mon cher et tendre n’en trouve pas 4 à son goût !

A 18h, c’est l’apéro. Dehors, on sort des gâteaux sec et un planteur pour les grands. Il fait bon, le vent nous rafraichit. Charlie et Axelle font un concours pour celle qui avalera le plus de curlys.

18h30 sonne, je vais préparer le repas. Ce soir, ce sera une soupe avec des croûtons grillés. Charlie, qui n’aime pas ça, aura de la purée. On dîne tous ensemble à 19h.

19h30, les enfants vont au lit. Charlie ne porte plus de couche, un vrai bonheur. Toutefois, on ne coupe pas au ‘mini gros calin’ comme elle dit, où elle raconte tout ce qu’on a fait dans la journée.

19h45, Guillaume regarde un film pendant que je lis quelques pages au lit.

21h30, extinction des feux. Je dors, Guillaume veille. Il se lève toutes les demi heures et plus si nécessaire. Le vent variable lui impose des réglages de voile. Au cours de la nuit, je me réveille 2 ou 3 fois pour jeter un oeil.

Cinq jours ont passés. Oleo aborde sa dernière nuit avant l’arrivée aux Bahamas. La météo jusque là clémente nous rappelle à l’ordre. Le vent forcit et lève la mer. L’obscurité estompe les vagues. Dans l’encre de la nuit, on ne voit que la crête blanche des déferlantes. La toile est réduite au strict minimum. On n’entend que le sifflement du vent, le fracas des vagues qui se brisent, les gifles d’eau salée sur le pont. Par le hublot avant mal fermé, la mer inonde la couchette.

On est tous fatigués, Guillaume surtout après 4 nuits de veille. Mais la mer ne veut pas nous laisser en paix. Comment dormir quand le bateau se transforme en manège ensorcelé ? Comment dormir lorsque des vagues balaient le pont et meurent dans le cockpit à grand renfort d’effet sonore ?

Vers 2 heures, le temps se calme. La lune ronde, dorée, réapparaît dans le ciel moucheté d’étoiles. On peut enfin grappiller quelques heures de sommeil entrecoupé. Dans l’aube blanche, cotonneuse, on regarde la côte de Great Inagua se préciser. Nous sommes aux Bahamas.

10 réponses sur « Ohé, ohé, matelot »

Petites nouvelles toujours aussi intéressantes, écriture vivante pour une vie à bord insolite lue de mon fauteuil que je me félicite de sentir si stable.

merci de nous faire partager votre vie à bord. Quel rythme pour occuper les filles et amener Oléo à bon port! Vous êtes des chefs. je vous embrasse

Merci Juliette ! On se débrouille comme on peut mais on est souvent très content d’arriver. Les petites réclament de plus en plus la plage même si on gère aussi de mieux en mieux les navigations. Bisou

Salut Bernard et Sandra !
Etes-vous toujours aux Saintes ? On a beaucoup aimé cette île lors de notre passage ma foi bien trop court. On va devoir y revenir un jour…
On lit nous aussi avec plaisir les nouvelles de Ti’Amaraa.
Des bises, Anso & Cie

Ah bah crotte de bique, nous qui voulions vous retrouver dans le nord des Antilles, c’est rapé, Oleo est trooop rapide !! Ça a l’air d’aller pour vous, nous sommes en Guadeloupe jusqu’à fin Mars puis Barbuda, Îles vierges (des infos ??!) puis Cuba. Alors je crains que nos routes ne se recroisent pas, puisque vous en avez marre d’avoir chaud ! On vous embrasse, et le monde étant petit, on se recroisera ! Bises aux filles, Bonne nav’ ! Hoelenn, Fabien, Paol et Yuna.

Coucou, merci pour le petit mot ! Si on ne se recroise pas maintenant, ce sera sûrement ailleurs et plus tard. Notre route avance au nord, c’est vrai, et nous en traînons pas car l’été au Canada ne nous attendra pas. On vous enverra des infos par mail sur Barbuda et les îles vierges britaniques. Sinon, tout va bien sur Oleo. Et de votre côté ? On adore lire les sagas-mail d’Hoelenn ! Biz et bonne nav’

Wahou quel final!
T’as loupé ta carrière d’écrivain romantique Anneso?!
mais bon quand même la terrasse parisienne mojito avec toi me manque un peu 🙂

Merci beaucoup!!

Ça me manque aussi ! Je me console en écrivant nos « aventures » et comme j’ai trop lu Jane Austen et Charlotte Bronte, ça donne ce que ça donne… Bisous

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