La danse de la pluie

Crème solaire, chapeaux, lotion anti-moustiques, biberon, eau, compotes, couches, serviettes, qu’oublie-t-on ? Les jeux de plage, les clés de l’annexe. Il faut aussi penser à prendre la poubelle, ça y est, nous sommes prêt pour aller à terre ! Ah non, Charlie doit passer aux toilettes et j’enfile mon maillot. Guillaume, l’annexe est-elle à l’eau ? Le plein est fait ? Super, on y va.

Il est 8h, mais le soleil est déjà haut dans le ciel. L’annexe est tirée sur la plage de Man of War Bay, la poubelle dans le container. On part en expédition ! Nous traversons l’isthme par la piste caillouteuse pour atteindre Alfred Sound, de l’autre côté. La chaleur vibre autour de nous autant que les ailes des moustiques. Même aspergés de produits, les maudits insectes nous assaillent tant que nous sommes à proximité de l’étang. Il n’y a personne.

Une fois arrivés sur l’une des plus belles plages du coin, les petites s’installent avec les seaux et les pelles. Guillaume part en reconnaissance. J’admire les eaux bleu-vert, la cadence du ressac résonne dans mon coeur, je pense à ma soeur.

Bien sûr, Guillaume revient avec une vieille amarre et un énorme pare-battage orange tout dégonflé. Il l’abandonne, trop gros pour Oleo, mais garde le cordage. Il fait trop chaud pour travailler. Pour jouer aussi. Au retour, la piste poussiéreuse réverbère la lumière blanche, la chaleur. Charlie marche à petits pas, Axelle se balance doucement dans mon dos.

Le robinet crachote encore quelques gouttes, la pompe s’emballe, tousse, s’étrangle, rechigne, j’abandonne. Nous n’avons plus une goutte dans les réservoirs d’eau douce, la guigne ! Nous avons fait une erreur à St Martin, les réservoirs n’étaient de toute évidence pas pleins à notre départ, il y a tout juste trois semaines.

C’est une très mauvaise nouvelle. Cette eau nous sert essentiellement à cuire les aliments et à rincer les biberons. Si nous devons utiliser notre eau de boisson pour cela, nous ne tiendrons pas longtemps avant de devoir ravitailler.

L’autonomie est au bateau de voyage ce qu’est le levain au bon pain, un ingrédient essentiel. Surtout dans un endroit comme les Bahamas où la moitié des îles est désertique ou presque. On ne trouve pas à chaque palmier de l’eau ou à manger. Au village d’Inagua, à 2h30 en bateau de notre mouillage, les rayonnages de l’épicerie sont presque vides. A notre deuxième passage, les seuls « légumes » disponibles étaient des pommes de terre et des oignons et les oeufs en rupture de stock.

Quant à l’eau, Guillaume parle déjà de nous rationner en boisson. Il pousse des hauts cris lorsque j’utilise 4 pauvres petits verres d’eau douce pour me rincer les cheveux. Une mutinerie se prépare !

On en est là de nos réflexions lorsqu’à point nommé, on entend la pluie crépiter sur le roof. Un grain passe au-dessus de nos têtes. Ni une, ni deux, Guillaume se précipite pour installer notre récupérateur d’eau de pluie ainsi que toutes nos bâches et nos seaux. Les serviettes de plage, les maillots, les torchons sont étendus sous l’averse pour dessaler. Chaque regain de pluie récolte des hourras !

Pendant deux heures, on transvase l’eau dans tous les récipients à disposition et dans les réservoirs du bateau. On récolte ainsi une centaine de litres et le dos cassé. De quoi tenir encore trois semaines au moins si on arrive à se redresser.

Le soir, Oleo file vers Matthew Town et son précieux free wifi, le temps de prendre la météo avant d’aller chercher la pluie sous d’autres cieux.