Le brouillard est parti, je quitte ma bouée à Clifden pour descendre dans le Sud. A ce moment là je n’ai aucune idée de l’endroit où je vais atterir, seulement quelques options.
En descendant, je slalome entre les récifs. Ceux-ci sont bien visibles, il est donc facile de les éviter. Quand une vague déferle au milieu de nulle-part, c’est qu’il y a une roche immergée, alors il faut s’en écarter.
Ma grande hésitation concerne la « Joyce pass ». Il s’agit d’un passage étroit qui évite de contourner « Slyne Head » et me ferait gagner deux ou trois heures. Je me rue sur toute la documentation que je possède sur cette passe, qui est par ailleurs largement documentée dans l’ouvrage « Sailing Directions ».
Le temps étant calme, je décide de la franchir et y mets toutes les précautions possibles. Arrivé devant la passe, je suis stupéfait par l’étroitesse ! J’affale les voiles et démarre le moteur, j’avance tout doucement vers l’entrée.
Au moment crucial du passage, j’ai le coeur qui bat à tout rompre. Les vagues déferlent sur les récifs à droite et à gauche, juste à l’entrée je me fais baloter par la houle et la profondeur de sept mètres que j’attendais se transforme en 1m50 ! Je maudis les cartes marines et la documentation de m’avoir envoyé dans cet enfer avec de fausses infos.
Oléo passe très près la roche à tribord, mon coeur s’emballe, je me vois déjà échoué dans cette maudite passe, je me concentre pour maintenir Oléo un peu plus à babord mais pas trop afin d’éviter de m’encastrer sur le récif à fleur d’eau.
La passe est franchie mais il y a encore des récifs en face, qu’il faut éviter. Je tiens fébrilement la barre, l’instant est à l’amertume et au regret, pourquoi vouloir jouer les « warriors » pour ne gagner que 2 ou 3 heures ? Je décide que pour le reste de ma navigation tout sera mis en oeuvre pour prendre le moins de risque possible !
Du coup, j’avance tranquillement en mettant le cap non sur une destination donnée mais de manière privilégier le confort : vagues pas trop de travers et vent pas trop portant.
Après deux heures de route tranquille à me remettre de mes émotions et à observer la côte, qui est jonchée de villages de vacances, je décide de calculer quelle sera ma meilleure zone d’atterissage entre différentes possibilités sur la côte Nord et les îles d’Aran.
Je décide de mettre le cap sur Roundstone. L’abri à l’air plutôt bien protégé et peut-être que j’y trouverai de quoi mettre à jour ma météo. Je me rappelle également que Régis, un ami qui connait bien l’endroit, m’en a dit beaucoup de bien et j’ai à bord parmi de nombreuses images ses clichés.
Il fait beau et chaud, il y a un léger vent, il n’y a pas de vague, le paysage est magnifique et ma route très sûre, puisque conformément à ma nouvelle politique de navigation j’évite largement les récifs. Alors je flane : lecture, rangement du matériel, etc.
Arrivé au Sud de Roundstone le vent me manque. La mer est toujours plate, un instant j’hésite à me dérouter pour mouiller dans la baie de Gorteen mais le village de vacances qui occupe cet endroit, visible à la jumelle, ne me plait pas.
J’affale les voiles en prenant mon temps. Je suis sur une mer d’huile et le courant me porte lentement vers la bonne direction. Une fois que tout est « clean » je démarre le moteur qui tournera 30 minutes jusqu’à l’arrivée à Roundstone.
Heureusement cette journée se termine bien. Roundstone est un village beaucoup plus agréable que je ne l’imaginais. Mon tour d’honneur est un peu long car je sonde un peu partout pour trouver un endroit profond. Je finis par mettre l’ancre juste en face.
Aussitôt je me jette dans l’annexe et pars à la rame. Il y a une bonne ambiance, tout le monde est de bonne humeur, les bars sont remplis et je trouve à mon grand soulagement une affiche « Free Wifi » sur l’un d’entre eux. Non seulement le Wifi fonctionne, mais il est rapide et ne nécessite aucun mot de passe.
Depuis, je suis un habitué du bar en question : le « Ryans Cafe ». La météo est enfin à jour et elle ne me plaît pas. Elle annonce un vent forcissant avec d’ici 24 heures des rafales à plus de 30 noeuds à l’ouest des îles d’Aran. J’hésite longuement entre partir tout de suite pour éviter le vent ou risquer de voyager plus tard avec des brises peut-être contraires. Je décide finalement de me reposer ici.
Ce matin, le vent s’est mis à souffler plus vite que la météo ne le prévoyais. J’avais anticipé cela en coulant un maximum de chaîne la veille, mais je ne suis pas rassuré pour autant. Je passe ma matinée à préparer mon départ et à entretenir le matériel. Puis je pars prendre la météo et me décide, compte tenu des prévisions, à sécuriser mon mouillage.
Il y a une bouée bien costaud à côté d’Oléo. Je décide qu’elle servira à retenir le voilier si l’ancre dérape. J’attache un bout lesté entre la boué et un taquet du bateau, l’opération me prendra environ deux heures afin de la peaufiner.
A partir de ce moment, curieusement le vent se calme. Je prends l’annexe et m’en vais flaner tranquillement dans Roundstone. De retour au bateau je m’occupe du courrier et de cet article. Le vent est toujours calme, mon éolienne ne tourne même plus, mais je sais que ça ne va pas durer.
2 réponses sur « De Clifden à Roundstone »
Que d’émotions ! Je t’imagine dans la tempête en ce moment (samedi 11 à 20h).
Merci pour la carte 😉
A+
Eric
Merci Eric. De retour a Valentia j’ai essuyé un coup de vent pendant le trajet et depuis j’attends une météo favorable pour revenir en France. Je posterai le prochain article quand j’aurai trouvé une connexion internet convenable. Bonne semaine !