Comme dans un magazine TV, vous trouverez sur ce blog les côtés merveilleux de la navigation : paysages magnifiques, mouillages paradisiaques et traversées palpitantes. Tout ceci est réel mais incomplet. Exceptionnellement, voici sous forme d’anecdotes une parenthèse sur l’envers du décors !
Outre l’entretien du bateau toujours plus important que prévu (en temps et en argent) et les difficultés à trouver des places de port en été, il y a les risques : météo hasardeuse, terrain accidenté, blessures, panne ou avarie.
Un doigt dans le guindeau
Arrivé à Hannaine Bay (Aurigny), le vent du Nord commence à forcir. Je décide de nous réfugier, mon co-équipier et moi-même, à Télégraph Bay plus au sud. Nous jetons l’ancre à plus de 10 mètres de fonds. Après recalcul des marées, je décide de descendre plus de chaîne. L’erreur aura été de saisir la chaîne en amont du guindeau. Mon pouce est parti avec la chaîne dans l’appareil : douleur vive et impossible de voir ma blessure dans la nuit noire. Je me ravise rapidement : freinage de la chaîne avec le pied, bloquage à 30 mètres.
De retour dans le bateau, je découvre mon pouce : ongle arraché et beaucoup de peau déchirée, le tout baignant dans le sang. Ce qui me paniquait au début était de ne pas savoir ce que j’avais. Dès lors, j’ai su garder mon sang froid et me soigner correctement : passage sous l’eau, désinfection, remise en place de la peau et de l’ongle, collage au stéri-strip. Bien entendu, aucun centre de soin à moins de plusieurs heures de navigation : se soigner soi-même est la seule alternative.
Le spectacle n’est guère ragoutant pour mon coéquipier, qui s’efforce de ne pas tourner de l’oeil et m’aide comme il peut. Mon ongle à fini par sauter pour laisser place à un tout neuf qui pousse lentement mais sûrement.
Une annexe à la dérive
Solidement attaché à un coffre à l’entrée du Sound de Chausey avec ma moitié, nous nous préparons à rejoindre la grande île en annexe. 20 à 30 mètres séparent le voilier de la rive. Seulement voilà : vent et courant mènent droit au large.
L’annexe attachée au voilier, j’évalue ma capacité à ramer contre vent et courant. Avec un peu de peine je rattrape le voilier. Mais est-ce suffisant pour conclure que nous pouvons atteindre l’île ?
Bref, nous embarquons, je rame et nous voilà parti en crabe. Nous avons à peine quitté le vent du voilier qu’il faut se rendre à l’évidence : nos rames sont ridicules face aux forces de la nature ! Nous dérivons direction le large. J’ai heureusement embarqué un grapin et une gaffe au cas où. Cette dernière nous sauve la mise : je me précipite sur la première bouée accessible (celle de la SNSM), nous y amarrons l’embarcation. Deux minutes plus tard, un pêcheur nous ramène au voilier avec son bateau à moteur. Retour au point de départ, sans la gaffe qui est partie au large, abandonnée dans le feu de l’action.
Un mouillage agité
Dans le chenal de Beauchamp à Chausey, à marée basse, nous sommes entourés de nombreuses îles. L’eau est calme, il y a juste un peu de vent et les fonds de sable sont de bonne tenue. Aussi je décide d’y échouer le bateau pour la nuit.
Nous choisissons un endroit dégagé pour y jeter l’ancre. Plus tard, à marée haute, les îles se font plus rares, le vent souffle plus fort et la mer s’agite. Puis la marée redescend et rien ne s’arrange. A moins de 4 mètres de profondeur ma décision est prise : il n’est pas question de s’échouer avec autant de houle et de vent. Les 25 noeuds prévus pour le lendemain sont en avance !
Je me précipite dans la nuit noire pour mettre les instruments et le moteur en route. L’écran du GPS flanche au passage : plus de cartographie. Nous remontons l’ancre et c’est guidé par le phare du Sound et les yeux rivés sur le sondeur que nous nous précipitons dans le chenal, le coeur battant à toute allure à l’idée d’accrocher un récif. Je jete l’ancre sur un fond sableux détecté avec l’iphone et passe la nuit à veiller. Finalement l’ancre Spade fera très bien son boulot cette nuit.
Conclusion
La première remarque qui me vient à l’esprit : « mais je le savais ! ».
Oui, c’est largement documenté et entraîné que je me suis risqué. J’ai lu d’inombrables récits d’avaries et autres conseils de navigateurs chevronés. Alors pourquoi faire des impasses aussi grossières ?
Toutes ces péripéties sont arrivées pendant des moments de fatigue. Manque de vigilance oblige, la tentation est forte d’emprunter des raccourcis et d’omettre des paramètres essentiels.
Prendre le temps de tout vérifier de A à Z est primordial. Le proverbe chinois « Celui qui va lentement va loin » prend ici tout son sens. Et quand on a rien à faire ? Se reposer !