Le bonheur d’être en France ! Retrouver ses repères, la facilité de la langue, le fromage et le pain, téléphoner sans compter, le caramel au beurre salé, les crêpes. Nous retrouvons aussi des amis à l’Aber Wrac’h qui, ni une ni deux, nous emmènent mouiller Oleo sur la plage en face de Ker Henriette, leur maison.
Cathy nous apprend des techniques de pêche à pied puis nous régale de vieille et de flet fraîchement pêchés par ses soins. Dans un seau nos coques attendent de passer à la casserole.
Départ pour Brest, il est 4h30 le matin devant l’île Vierge. La houle nous a réveillé depuis une heure déjà, la nuit a été courte. Dehors, le ciel est sombre, pas une étoile ne brille. Le faisceau du phare tournoie sur la mer. Il éclaire un instant à peine les rochers, la mer d’encre, le bateau gris.
Guillaume démarre le moteur, relève l’ancre, nous partons. Je prépare un café, noir comme la nuit. Soudain, un bruit étrange rampe sous la coque. Le moteur peine, tap, tap, on cogne avec force contre le bateau. Un casier s’est pris dans l’hélice.
Guillaume met au point mort puis essaie une marche arrière. A la torche, j’éclaire la bouée du casier à tribord, elle nous colle à la coque, bien accrochée. Le moteur cale.
Nous sommes entourés de récifs, pétole et courant fort, il est 5 heures du matin, nous n’avons plus de moteur et nous n’y voyons rien (nuit noire, brouillard). La pluie se met à crépiter sur le pont, ruisselant. Le bateau navigue par 40 mètres de fond, jeter l’ancre est hasardeux. Hisse les voiles et prie pour que le vent souffle pour nous éloigner de la côte et des rochers.
Ouf ! Laissant les écueils derrière Oleo, nous faisons le point. Il n’y a presque pas de vent, des courants contraires et une côte inhospitalière, nos options sont limitées. Guillaume met la caméra à l’eau pour connaître l’étendue des dégâts. Malheureusement, le cordage du casier est emmêlé, serré autour de l’hélice, nous ne pouvons rien faire de nuit avec la houle.
Nous étudions rapidement toute la côte de l’Aber Wrac’h à Brest. Portsall est le seul endroit protégé où nous pourrions éventuellement poser l’ancre à la voile avant la renverse de la marée. Il nous faut simplement emprunter la passe encombrée de récifs en remontant au vent avec une fin de courant défavorable. C’est ça ou appeler les secours afin d’être remorqués.
Commencent des heures longues, le bateau avance avec le courant plus qu’avec le vent. Dehors, c’est gris, sale, moche et ça fait peur. Nous évitons de justesse une cardinale sur notre route. Guillaume reste d’un calme concentré, j’ai la boule au ventre. Partout sur la côte les rochers sont couverts d’écume. Une large houle d’ouest s’y brise.
Près de Portsall, je prends la barre pour serrer le vent au plus près. J’ai l’épaule tendue, la main crispée sur la barre à faire mal. Les rochers défilent à bâbord, près, très près. Pas de moteur, pas d’erreur permise, la manoeuvre doit être parfaite du premier coup.
Au point de mouillage, Guillaume largue l’ancre et la chaîne, toutes voiles choquées. Le bateau s’arrête, nous pouvons souffler, enfin.
Par chance, j’aperçois un plongeur dans son hors-bord à proximité. Un signe de la main et il vient se ranger aux côtés d’Oleo. Quelques minute après, Paul, notre plongeur-sauveur, file sous la coque démêler le cordage de notre hélice. Après quelques plongeons en apnée, Oleo est libéré, nous allumons le moteur et, soulagement, tout fonctionne parfaitement. Paul s’en va avec toute notre gratitude et une bouteille de rouge, merci !
La vie reprend son cours, les petites boivent leur biberon et la tension se relâche.
Le voyage se poursuit sans autre incident jusqu’à Brest où Oleo restera plusieurs jours au port pour une escale technique entre travaux et avitaillement.
Un petit détour dans la famille, du matériel à réparer et des révisions à effectuer nous occupent à plein temps.
On trouve tout de même quelques moments pour essayer la nouvelle annexe et son moteur, tester les cannes à pêche, jouer au géocaching ou prendre une glace à terre en attendant une fenêtre météo qui nous permette de traverser le golf de Gascogne.
11 réponses sur « Passage en France »
Et bé….que d’aventures!!! Finalement ça sera peut-être en France que vous aurez vécu l’épisode le plus stressant, le comble pour un voyage « autour du monde » 🙂
Merci pour ces supers articles que je lis avec plein d’intérêt.
Bons baisers de Paris!
Maud
Merci ! Depuis qu’on a quitté les côtes françaises, nous n’avons pas eu de nouvelle avarie ni d’émotion trop forte… on croise les doigts pour que ça dure un peu. On pense très fort à vous, des bises.
j’admire votre courage face à ces difficultés.
J’espère que tout ira très bien pour la suite.
bon et beau voyage à vous.
Bises
Salut Pierre, il commence à faire beau et chaud, on en profite ! Quand l’eau sera assez bonne pour s’y baigner, ça deviendra franchement sympathique. Note que j’apprécie les navigations à la fraîche, mais un peu de soleil ne fait pas de mal de temps en temps.
Nous esperons qu’une fois tous ces problèmes techniques réparés vous avez pu faire bonne « mer » (ou plutôt bon océan) jusque dans le sud ! Le Portugal sera plus doux j’en suis certaine 😉 on vous embrasse fort !!! Ps : Suzanne aussi est autonome sur son bib 🙂
Coucou, on s’approche doucement du Portugal et le temps devient de plus en plus radieux ! Axelle a pris la pose pour la photo, mais depuis, elle n’a plus voulu boire son bib toute seule… de même, elle refuse de manger à la cuillère. Biz
Bigre… Et vous avez beaucoup de bouteilles de rouge en réserve pour donner en cadeau aux sauveteurs ?
Merci pour ces petits bouts de voyage, c’est vraiment chouette.
Bise à vous 4,
Fred
Salut Fred, on garde en réserve quelques bouteilles-cadeaux, mais j’espère qu’elles ne nous serviront pas toutes pour des occasions de ce genre. On préfère les boire à l’apéro avec des amis de passage 😉 Biz
Salut Fred. Nous avons bien quelques bouteilles dans les fonds pour compléter le lest, pas autant que la plupart des Français qui partent sans enfant avec des bateaux plus grands cependant… on les garde précieusement pour de belles rencontres à venir ! Merci pour ton passage sur le blog et à bientôt 😉
Contents de vous avoir retrouvés à Brest après avoir fait votre connaissance à Bangor (Irlande) et bravo à votre petite famille pour ce beau projet , résultat d’une passion familiale partagée.
Nous suivons attentivement votre voyage et serons ravis de vous revoir ,pas trop tôt! Profitez bien de ces moments familiaux qui soudent une famille avec des moments de difficultés et de bonheur. A bientôt , il fait beau et chaud à Brest meilleur temps que lorsque vous y étiez!..
Nous avons été également ravis de votre passage (trop court) sur Oleo à Brest ! Profitez bien du soleil dans la rade, nous projetons d’y revenir pour visiter plus en profondeur cet endroit qui nous a beaucoup séduit. Nous emportons avec nous de très bons souvenirs de navigations et balades entre le Moulin Blanc et l’Aulne. A bientôt !