Programme d’une journée au mouillage

Il est 8 heures à Strangford, Charlie sort de sa couchette à pas de loup. Sous notre couette à l’avant, on commence à entendre de légers bruits : un cliquetis, des petits coups contre la cloison, la succion d’une tétine… Il est l’heure !

Guillaume s’extirpe du lit, j’entends un « popâ » enthousiaste. « Charlie, la tétine c’est dans le lit. » La bouilloire sifflote sur le feu, le café fume dans les tasses, je me lève.

Pendant que Charlie boit son chocolat, je prépare le biberon d’Axelle qui commence à gazouiller. Toute la famille est réunie autour de la table du carré pour le petit-déjeuner.

9h30, les filles sont changées, habillées, je me brosse les dents avec Charlie devant l’évier. Elle mange tout le dentifrice sans rien frotter… Guillaume télécharge la météo pour vérifier les prévisions de la veille.

Axelle pique un somme à l’avant pendant que Charlie entame une peinture qu’elle nous fait admirer en disant « c’est joli, c’est joli », on acquiesce bien sûr ! Le chef d’oeuvre terminé, elle enfile une salopette imperméable pour « jouer à l’eau » dans le cockpit avec les seaux et les gobelets.

10h30, Axelle se réveille, un petit tour dans le transat à côté de nous. Elle mâchonne avec ardeur un requin en mousse bleu et le fait régulièrement tomber au sol.

Entre temps, on range le bateau (c’est fou ce qu’on range !), on fait la vaisselle (on n’arrête pas…) et on fait des projections sur le programme des deux-trois jours suivants : mouiller peut-être dans la baie de Knockinelder pour profiter du vent d’Ouest puis remonter sur Donaghadee avec le courant portant, ou bien aller directement à Bangor ? Depuis quand n’avons nous pas pris de véritable douche ? 5 ou 6 jours ? Je ne sais plus, on pourrait peut-être aller au port ?

11h30, on prépare avec Charlie un gâteau pour le goûter : des pommes ou du chocolat ? Elle choisit les pommes. Ça lui ouvre l’appétit, elle file dans sa chaise pour déjeuner : au menu, de la semoule au thon, une tomate en entrée, un morceau de fromage et une compote à la poire.

12 heures, Axelle boit son biberon, on peine sur la fin, mademoiselle ne veut pas finir son lait !

12h 30, à la sieste ! Charlie dans sa couchette, tétine à la bouche et doudous dans les bras, Axelle à l’avant dans sa turbulette.

13 heures, deuxième service, nous déjeunons avec la radio anglaise qui diffuse des pubs inconnues. Guillaume bricole une perche IOR avec la mousse d’un vieux gilet de sauvetage orange tandis que j’ouvre « L’anglais correct pour les nuls ».

15 heures, les filles se réveillent dans un bel ensemble. On se prépare pour aller à terre : tout d’abord, changer les couches, ensuite chauffer l’eau pour le biberon d’Axelle, puis aller à la chasse aux chaussures de Charlie. Elle ne veut pas de cette paire ? En trouver une autre qui ne soit pas mouillée. Plus de chaussettes sèches ? Tant pis, elle mettra les bottes pieds nus.

Dans le sac à dos prévoir un change pour chacune, l’appareil photo, le goûter de Charlie, une serviette de bain, les jeux de plage. Dans un sac cabas, la poubelle pleine, un jerrican vide si jamais on trouve de l’eau douce, le porte-bébé, les bouteilles en verre à jeter. Ne pas oublier un sac pour les courses, le porte-feuille, les lettres à poster.

Guillaume regonfle l’annexe qui a tendance à « fuiter ». Puis mise à l’eau, on vérifie le grappin, le moteur a-t-il suffisamment d’essence ? Est-ce qu’on a tout ?

Alors, je mets Axelle dans sa combi, j’attache son gilet de sauvetage et la couvre d’un bonnet, elle se met à hurler ? Vite, dans l’annexe !

Charlie trouve une petite place à l’avant, coincée entre le sac et les rames, le grappin sous les fesses, je tiens Axelle qui disparaît dans son gilet plus ou moins consentante, Guillaume met le moteur en route et nous dégage d’Oleo.

Ouf, partis ! Direction un petit ponton près d’une cale,on slalome entre les bouées. Aïe, le moteur ralenti puis s’arrête. Guillaume tire rageusement sur la poignée pour tenter de le faire redémarrer. Après quelques sursauts héroïques, le moteur reste définitivement silencieux… il aura fonctionné pas moins de trois minutes non stop. On rame. Enfin, Guillaume rame et je fais semblant avec Axelle dans les bras.

On débarque enfin sur le ponton, l’annexe est amarrée. Guillaume prend Axelle en porte-bébé, son sac sur le dos et le cabas à la main. Je prends Charlie par la main et mon sac sur le dos. Au bout du ponton une porte : fermée. Traduction personnelle du panneau : Interdit aux bateaux inattendus.

Inattendus, on l’est sûrement.

Finalement, on débarque sur la cale et on franchit trois portails. Des panneaux avertissent en grosses lettres : « Interdit à toute personne non autorisée ».

16 heures, il nous a bien fallu une heure pour arriver jusqu’ici. Le village est mignon avec ses façades colorées, un petit château, une épicerie, un post-office. Attablés à la bakery avec un café, on écrit quelques cartes postales.

18 heures, retour au bateau. Le moteur fait encore des siennes, on rame, on rame, on rame et cette fois on ne fait pas semblant, le vent s’est levé.

19 heures, on dîne tous ensemble de saucisses et de brocolis fraîchement achetés, des yaourts en dessert, le luxe ! Guillaume prépare le bateau pour le départ, nous allons mouiller à Knockinelder.

20h30, les filles jouent à l’avant, je barre pendant que Guillaume s’occupe de l’atterrissage.

21 heures, les filles sont couchées, on ferle les voiles, le feu de mouillage est allumé, un voilier s’ancre près de nous pour la nuit.

22 heures, c’est le temps de la lecture, « Navigations par gros temps » pour Guillaume, un livre de fantasy, « Gagner la guerre » de Jaworski, pour moi.

23 heures, extinction des feux.