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Voyage en mer et savoir-vivre

Les voyageurs qui font route en voilier sont amenés à croiser de nombreux semblables parmi lesquels les équipages d’autres bateaux, les professionnels des ports de plaisance, les autorités et aussi, ne les oublions pas, les locaux. Que ce soit à travers la presse, les livres, via les forums ou le bouche à oreille, voici quelques remontées d’informations.

Au delà du statut de navigateur, c’est souvent à la nationalité de celui-ci que l’on s’adresse. Oui, savez-vous que « les français » ont parfois la réputation d’être des voleurs potentiels ? En Australie par exemple, plusieurs enseignes placardent des affiches en français « On vous observe ». En Angleterre encore, on vous demande de payer la place de port à votre arrivée « parce que vous êtes français ». Il faut comprendre que dans certains pays, la mentalité est telle qu’il ne viendrait à personne l’idée de tricher, que payer son dû est un acte civique qui ne nécessite pas la mise en place d’un tourniquet et d’une armée de contrôleurs. Ce n’est malheureusement pas le cas chez nous, c’est pourquoi la multiplication des incivilités force les victimes à voir d’un mauvais œil l’arrivée du pavillon bleu-blanc-rouge.

Si je devais me faire l’avocat de mes concitoyens, j’affirmerais que dans notre beau pays où 80 % des abris côtiers sont occupés de bouées et ports de plaisance payants au prix d’une chambre d’hôtel, quand 10 % de ces havres sont interdits d’accès et 10 % bondés de monde, nous avons tendance à prendre de mauvaises habitudes, survie oblige. Mais il existe dans le monde des côtes plus hospitalières. Alors quand nous choisissons de nous amarrer à un ponton ou à un coffre, avant toute chose annonçons-nous à la capitainerie, ayons le sourire, disons bonjour aux voisins et respectons le personnel du port, ne trichons pas sur la taille du bateau et la durée du séjour.

Cela ne veut pas dire que tous les français sont les mêmes et que les autres navigateurs sont exemplaires. Entre bon et mauvais équipage, mille détails font la différence. Avec un minimum d’expérience et de bon sens, respecter les règles de savoir-vivre ne peut être que bénéfique pour nous-même et dans une certaine mesure, pour l’image des « voileux ».

Quand on arrive dans un mouillage par exemple, il est d’usage de faire un « tour d’honneur » avant de jeter l’ancre, puis de choisir une place à distance respectueuse des bateaux en place. Quoi de plus regrettable que de se précipiter sur une place libre au détriment de l’ordre d’arrivée, de refuser de rectifier le rayon d’évitage et de priver ses voisins de leur tranquillité. Ce comportement est malheureusement monnaie courante dans les baies encombrées des îles Anglo-normandes, sous les yeux ébahis et non-moins chargés de reproches de nos voisins d’outre-manche.

Le jour ou j’ai acheté mon voilier, l’ancien propriétaire, un breton, me fait remarquer en nous amarrant au port qu’il est d’usage de disposer au moins autant de défenses que son voisin, entre son bateau et le mien. Voilà une suggestion pleine de bon sens, qui n’est qu’un détail, mais ô combien remarqué. Amis navigateurs, ayons le réflexe en arrivant quelque part d’occuper 10 minutes de notre temps à de bonnes actions. Au port, déployons les défenses, séparons les drisses du mât, amarrons tout ce qui peut claquer au moindre coup de vent, rendons le cockpit et le pont présentables, disons « bonjour » à nos voisins avec le sourire, tout en restant discrets et disponibles.

Avec les locaux, l’expérience prouve qu’il faut redoubler de psychologie. Imaginez que vous êtes natif d’un village doté d’une anse, que des voiliers jettent l’ancre, déposent leurs poubelles n’importe où, répondent à votre accueil par l’indifférence, ne se préoccupent que de leurs problèmes et s’en vont sans un merci. On peut comprendre que la multiplication de tels comportements peut éveiller les susceptibilités. Intéressons-nous aux locaux, répondons-leurs avec sourire et bienveillance même s’ils nous agacent et qu’il faut parfois dire « non », soyons généreux avec ceux qui nous aident et manifestent leur sympathie. Cela ne veut pas dire qu’il faut se comporter comme une vache à lait, au contraire ! Quand les contre-parties demandées sont prohibitives, aligner la somme sans résistance ne rend service ni à l’économie locale, ni aux économies des confrères navigateurs moins fortunés. Il me semble que, dans quelque situation que ce soit, sourire, respect et bonne volonté ne coûtent rien et ne peuvent qu’améliorer les choses.

Enfin, l’un des sujets propices aux reproches reste celui de la cohabitation entre voyageurs et professionnels de la mer, pêcheurs et transporteurs. La mise en œuvre des instructions du RIPAM et le respect des règles de priorité sont bien entendu de rigueur. La bienveillance mutuelle, c’est d’un côté veiller à ne pas dégrader les installations de pêche, traverser les rails à la perpendiculaire, se dérouter devant un professionnel au travail. Mais c’est aussi, de l’autre côté, arborer le signal « pêche en cours » uniquement quand c’est effectivement le cas, activer l’AIS, le radar et les alarmes, veiller à éviter les abordages même si l’on est prioritaire. Au port et dans une moindre mesure en mer, se souhaiter la bienvenue, prendre des nouvelles, encourager, même si nous ne sommes pas toujours sur la même longueur d’onde.

La liste pourrait s’allonger indéfiniment. Rappelons qu’au delà des règles officielles, au delà même du principe de solidarité des gens de la mer, l’art du savoir-vivre se résume simplement à faire appel au bon sens et à quelques bonnes pratiques. Je n’aurais pas la prétention de me considérer comme exemplaire en la matière, il m’arrive aussi d’avoir mes humeurs. Mais l’expérience qui rentre, c’est aussi l’observation des bons et mauvais exemples, les conclusions que l’on en tire et une mise en pratique concrète. Bon vent !

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